L’industrie
du cinéma a longtemps snobbé les vieux. En 2012, ceux-ci prennent une
bien belle revanche. Et pourraient même prendre le pouvoir.
2012 serait-elle l’année de tous les changements ? Une chose est
sûre : longtemps obsédée par la conquête du marché jeune (en gros, les
moins de 26 ans), l’industrie du cinéma est en train de se rendre compte
(ou de se souvenir ?) qu’il y a une vie après la jeunesse. Il était
temps ! Le récent succès commercial du film Indian Palace (John Madden),
emmené par une bande de vieux canaillous (Maggie Smith, 77 ans, Judi
Dench, 77, Ronald Pickup, 72…), a semble-t-il donné des idées aux rois
du marketing. D’autant qu’aux festivals de Berlin et de Cannes, ce sont
encore les vieux qui ont trusté les plus beaux prix : Ours d’or pour les
frères Taviani (83 et 80 ans) avec César doit mourir, Palme d’or pour
Michael Haneke (70 ans) et son film Amour, centré sur la vie conjugale, à
l’approche de la mort, de deux octogénaires (Jean-Louis Trintignant, 81
ans et Emmanuelle Riva, 85).
Si l’on rajoute à cela les récentes comédies vitalistes et
douce-amères de Dustin Hoffman (Quartet), de Stéphane Robelin (Et si on
vivait tous ensemble, avec Guy Bedos, Jane Fonda, Claude Rich et Pierre
Richard, tous entre 74 et 83 ans), voire Hope springs, où Meryl Streep
et Tommy Lee Jones abordent de façon décomplexée le problème de la
sexualité des (jeunes) seniors, on est en droit de considérer que tout
cela fait sens. Et, comme on dit dans le jargon professionnel, que cela
ressemble à un phénomène de société.
Ce n’est pas Manoel De Oliveira, cinéaste portugais de 103 ans qui
nous contredira : la population vieillit ! Et du coup, les spectateurs
aussi, qui s’identifient davantage à des films de maturité qu’à des
comédies romantiques ou des films à effets spéciaux. Des films qui,
entre parenthèses, sont de plus en plus souvent réalisés par des
réalisateurs qui ont largement dépassé l’âge de la pension Woody Allen,
77 ans, Roman Polanski, 79, Alain Resnais, 90, Clint Eastwood, 82,
Robert Redford, 76…
Cette semaine, à Londres, les acteurs du film de Dustin Hoffman s’en
sont donné à cœur joie sur le sujet. Pour Billy Connolly, 70 ans, la
prise de conscience par l’industrie du cinéma de l’existence d’un autre
public que celui des films de teenager est une excellente chose. « Et ça
ferait du bien désormais d’avoir plus de gens d’expérience, dans le
cinéma, plutôt que de céder en permanence, comme ce fut longtemps le
cas, au culte de la nouveauté. »
Maggie Smith va plus loin, en s’appuyant sur des chiffres qui, en
effet, laissent à réfléchir. 28% des gens qui vont aujourd’hui au
cinéma, en Grande-Bretagne, sont des personnes du troisième âge. Un
chiffre qui ne cesse de croître. Et pour cause : il y a de plus en plus
de plus de 65 ans. Ils ont du temps devant eux. Et, souvent, moins de
difficultés financières que les jeunes… qui consomment de plus en plus
le cinéma via téléchargement. Pour Maggie Smith, « les rares films qui
ont pris pour cibles les gens du troisième âge ont été des succès ». Et
de rappeler celui de Miss Daisy et son chaufffeur, emmené par Jessica
Tandy, alors 80 ans, qui décrocha en 1989 l’Oscar et fit un véritable
malheur.
Finola Dwyer, productrice de Quartet, n’est pas dupe. « Je crois que
nous sommes en train de nous éveiller à l’idée qu’il existe aujourd’hui
un immense public dont on ne s’est pendant trop longtemps pas du tout
occupé. Il y a une forte demande pour de bonnes et surprenantes
histoires touchant au crépuscule de la vie. Quartet répond à cette
demande, en montrant que le crépuscule n’est pas forcément synonyme de
déprime, loin de là. »
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