Jour 12, peur de vivre, peur de mourir?

Dimanche 13h30

J'ai manqué le jour 11. Nous sommes sorties de la ville hier pour aller dans la famille de Sophie qui habite à une heure de Nancy. Nous avons passé la journée avec ses parents, sa soeur et son neveu de 7ans. Nous sommes aussi allées voir sa grand-mère et sa tante. Toute la famille habite le long de la même rue dans le même village. Sa grand-mère qui doit avoir un peu moins de 90 ans est entourée par toute sa famille. C'est rare de pouvoir vivre ça. Je notes ceci parce que je pense qu'aujourd'hui nous vivons de vrais problèmes de déracinements qui ont des conséquences lorsqu'on vieillis. Lorsque nos parents deviennent vieux et commencent à avoir des soucis à vivre seuls, c'est pas la même chose de vivre à côté que vivre à 500km. C'est rarement possible de tout quitter pour se rapprocher d'eux de façon à ce qu'ils ne soient pas déracinés. Si on les fait venir, ils sont non seulement déracinés mais en plus on peu pas toujours les accueillir chez soi. La maison de retraite chez nous c'est souvent la seule option.

Je précise "chez nous" parce que je repense à une discussion que j'ai eu avec une amie marocaine qui me racontait qu'au Maroc, les maisons de retraite il y en a pas. On meurt chez soi ou à l'hôpital.

Quand on est loin de sa famille, la vieillesse c'est compliqué mais quand en plus on rajoute à ça le fait qu'on est immigré, c'est parfois encore bien pire. Dans le cas de la famille de mon amie marocaine par exemple, ses parents ont travaillés toute leur vie en France pour mettre de l'argent de côté pour retourner acheter une maison au bled à la retraite. Seulement à la retraite, ils se sont rendus compte que non seulement ils ne connaissaient plus personne au bled, mais en plus tous leurs enfants resteraient en France et ils n'auraient pas les soins médicaux qu'ils auraient ici en vieillissant. Psychologiquement quand on a passé sa vie en pensant rentrer chez soi à la retraite, vieillir, mourir dans son pays de naissance et se rendre compte de ce que ça implique dans la réalité aussi tardivement c'est un choc qui peut être insurmontable.

Comme mon amie, je me demande comment ça va se passer pour mes parents, surtout ma mère. C'est pas le Maroc pour elle mais l'Australie. Ma grand-mère qui vit en Australie, ce sont les voisins qui s'occupent d'elle. La famille la plus proche vit à plus de 700kms.

Quand on me dit qu'il faut partir de Grenoble, s'installer à l'étranger pour faire carrière dans l'art, j'y réfléchit à deux fois. La réalité c'est qu'on a beau parler trois langues et avoir la possibilité de s'installer ailleurs pour le travail, c'est toujours là où il y a la famille et les amis qu'on est le mieux. Et ce à tous les âges.

Comment on vieillira ou comment on sera quand on sera vieux. C'est compliqué de se projeter. Pour ma part, je me dis toujours que je fais tout ce que j'ai envie dans la vie parce que j'ai pas envie qu'à la fin je regarde en arrière et je me dise que j'ai pas fait tout ce que je voulais. Je crois que cette façon de voir les choses c'est ce qui fait que je n'ai pas peur de vivre. Mais la mort, je n'arrive pas à me dire que ça m'arrivera à jour. J'ai encore l'impression que c'est juste un passage vers autre chose. C'est pas la fin de tout.

J'ai lu un article dans un magazine qui parlait de la "sénescence". Je trouves le terme assez adapté. On parle toujours de l'adolescence comme d'une grosse étape dans la vie mais la vieillesse s'en est une également. Le corps change, la peau, les muscles, les os autant qu'à l'adolescence. Mais alors, autant parler de l'adolescence ça se fait, autant parler de la vieillesse ça se fait pas trop. Pourtant si on s'y prépares pas, un jour on se réveille avec une sacré claque.

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