Sept étages

J'ai trouvé sur internet un résumé et une observation par le professeur Micheline Louis-Courvoisier à propos de la nouvelle de Dino Buzzati (auteur italien du célèbre livre "le désert des tartares"), "sept étages", que j'avais lu dans le train de Milan à Nancy le 1er septembre. Je voulais vous le faire partager, car c'est une histoire très forte, sur les hiérarchies, sur l'organisation, à propos des créations de départements particuliers pour chaque cas de malades par degrés d'importance...
Est ce un bien de "parquer" ensemble les même cas? Doit on regrouper les pathologies, voire même les évolutions de la maladie par niveau?...







Auteur du résumé et de la réflexion suivante: Micheline Louis-Courvoisier (Historienne et maître d’enseignement et de recherche, responsable du programme "Sciences humaines en médecine" à la Faculté de médecine de Genève.) Du pouvoir de la médiocrité. Rev Med Suisse 2005 (site: revmed.ch)

"Giuseppe Corte est malade. Ses symptômes sont vagues, un peu de fièvre, mais suffisent à le conduire dans un hôpital réservé à la maladie dont il souffre (et dont le lecteur ne sait rien). Cet hôpital ressemble à un hôtel : il est accueillant, les chambres sont claires, le mobilier est confortable, des papiers peints ornent les murs, le personnel est chaleureux. Bâtiment de sept étages, son organisation spatiale est claire et efficace : le septième est réservé aux malades les moins atteints, tandis que ceux qui n’ont plus rien à espérer sont au premier, dont les fenêtres sont pour la plupart fermées par des persiennes. A chaque aggravation de son état, le patient descend d’un étage. Cette organisation a été conçue de manière à faciliter le service, mais aussi pour empêcher qu’«un malade léger pût être gêné par le voisinage d’un moribond». Tout est donc fait en fonction du bien-être physique et psychique des malades. Dans un tel endroit, rien ne pouvait leur arriver : on avait pensé à tout.
Peu malade, Corte occupe une chambre du septième étage, à sa grande satisfaction. Son état ne s’améliore pas mais ne s’aggrave pas non plus. Un jour, un infirmier lui demande de céder sa chambre : une femme est sur le point d’être hospitalisée avec ses deux enfants et la chambre de Corte leur permettrait de rester proches les uns des autres. En gentleman, Corte accepte, en rechignant toutefois quand il apprend qu’il devra aller au sixième étage, toutes les chambres du septième étant occupées. Il est assuré de remonter aussitôt qu’une chambre du septième sera à nouveau libre.
Vous l’avez compris, Corte a entamé un processus irréversible qui le conduira jusqu’au premier étage. Chaque changement de palier est consécutif à une décision qui relève semble-t-il de manière indirecte seulement de son état de santé. Une fois il s’agit de courtoisie, une autre fois de détails administratifs : l’étage dans lequel il est, est sur le point d’être vidé pour permettre au personnel de prendre une quinzaine de jours de vacances ; une autre fois une secrétaire s’était trompée. Ou alors, c’est la technologie qui précipite son déplacement : l’appareil susceptible de le guérir d’une légère affection de la peau est à l’étage inférieur, et le médecin de son étage refuse qu’il descende plusieurs fois par jour pour en bénéficier.
En dépit de ce mouvement irrésistible, Corte ne se résigne pas. Il aspire de toutes ses forces à une amélioration de son état, aspiration qui confine à l’obsession. En outre, à plusieurs reprises, il se rebelle contre les décisions qui le concernent ; il laisse éclater sa colère, s’insurge, résiste. Il argumente, et se bat pour aller à contre-courant de ce processus dont il sent la force sournoise. Rien n’y fait. La résistance d’un individu ne peut rien contre la pression d’un système qui dilue les responsabilités individuelles.
Cette nouvelle laisse un arrière-goût amer. Dans ses premières lignes, le lecteur est troublé : il sent bien que Corte va inexorablement descendre au premier étage, mais en même temps, l’auteur décrit un homme somme toute peu malade, un hôpital qui ressemble à un hôtel, bref un univers sans souffrances, sans odeurs, sans agitation, sans les caractéristiques spécifiques d’un univers hospitalier traditionnel. Bien sûr, il y a la symbolique de l’organisation spatiale qui annonce clairement la chute. Mais dans cette entame, le lecteur se demande comment un homme, en presque bonne santé, va mourir dix pages plus loin. Et le trouble demeure jusqu’à la fin : Corte meurt, sans aucun motif «valable», acceptable, raisonnable, compréhensible, rationnel.
(...) Mensonge, négation de l’individu et de sa destinée, aveuglement du patient, organisation et vie intra-hospitalières, relation soignants-malades, sont autant de mots-clés qui qualifient cette nouvelle. (...)"

Commentaires

  1. merci , j'ai lu l'histoire e italien mais je ne l'ai pas très bine comprises,et vu que j'ai mon examen dans un mois, cette petite analyse ma aider . Merci =)

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