Jour 29, absence

Spyder Super Cat
Ça fait 3 jours que j'ai pas écrit sur le blog. Là je suis rentrée à Grenoble rapidement pour ramener mon vieux chat à la maison. Elle est toujours aussi grognon à 14ans que lorsque je l'ai eu à 2 mois. L'âge n'a rien changé sur ce plan. La seule différence c'est que c'est de plus en plus dur de la faire garder. C'est comme être responsable d'une personne âgée, on est démunit et on culpabilise de partir.

Retour furtif
Ça fait tout bizarre de ne pas être à la maison de retraite. J'arrive à faire des nuits complètes et je me surprend même à avoir assez dormis. C'est tellement silencieux. On entends pas le bruit de la machine dehors, du frigo dans la chambre, ni les petits "youhou!" et "au secours!" ou "docteur!" de Madame X. Le matin, pas de charentaises qui frotte le lino, pas de Monsieur P. qui fait des grognements bizarres, pas de machine à laver le sol au pin asphyxiant, pas de Madame B. qui essaye d'ouvrir notre porte parce qu'elle est perdue. Pas un gramme de tension dans l'air. C'est tellement calme. D'un côté ça fait du bien parce que c'est super reposant et d'un autre côté ça va me manquer. Je me suis aussi jetée sur la nourriture en sortant. C'est pas que c'est pas bon à la maison de retraite (les résidents disent tout le temps que c'est de la très bonne cuisine) c'est juste que c'est pas comme à la maison. Il y a même des choses que je ne savait pas pouvait exister, comme des yaourts aux fruits mais blancs. Les fruits, c'est des "E" rajoutés qui n'ont pas le goût du fruit qu'il devrait remplacer. Ni la consistance, ni la couleur. Je suis super sensible à la couleur. Par exemple, je ne savait pas que la vanille dans les déserts, ça pouvait être jaune. Chez moi c'est des gousses et ça fait des graines marrons. Je me dis aussi que ma mère, si un jour elle va en maison de retraite, je sais pas comment elle va faire pour la nourriture. Je suis beaucoup plus aventureuse qu'elle, au moins je goûte. Ma mère ne toucherais jamais un plat qui n'est pas bio ou au moins d'agriculture raisonnée. Sophie me dis que son père est un peu pareil. Je me demande si un jour ils vont faire des maisons de retraites avec des plats bio comme on fait du kasher ou des plats pour les diabétiques.

Magasin d'électronique. Achat de matériel pour l'expo.

Monsieur B. est entré dans le magasin d'électronique juste après moi. La première chose qu'il nous a dis en riant c'est qu'il avait 4 fois 22 ans,
qu'il avait enterré tous ses anciens patrons et qu'il allait mettre des fleurs sur leurs tombes. Il était là à cause de sa télécommande de télévision
qui ne fonctionne plus. Il avait essayé de la réparer avec des bouts de papier. L'électronicien du comptoir l'a ouvert, a retiré tous les bouts de papier et a
plié un bout de métal pour le faire toucher les piles. Cette télécommande a donné l'occasion a Monsieur B. de sortir de chez lui et nous parler.
Je me suis rendu compte que même s'il n'avait pas l'air en détresse, il devait se sentir un peu seul et isolé pour autant avoir besoin d'échanger avec une inconnue. Mais peut-être que je me trompes complètement et que dans le temps c'est ce qu'on faisait. Aujourd'hui c'est plus compliqué de se parler sans raison comme ça dans un magasin. On est un peu toujours sur nos gardes.




Le goût de l'immortalité, Catherine Dufour
Extrait, pp55-56
Les petits jardins de 41e et 42e étaient entretenus par une vieille dame à laquelle ma mère me confiait quand Iasmitine était absente. Elle s'appelait Ainademar. D'une affabilité tibétaine, elle avouait cependant des ancêtres européens dans l'épaisseur de sa taille et dans je-ne-sais-quoi de raide et de blafard. Ma mère trouvait qu'elle puait le suédois. Moi, je l'aimais.
Cette femme, discrète dans ses relations avec les autres n'admettait aucune souplesse dans sa relation à elle-même. Elle portait fièrement un doigt tordu par une arthrose d'un autre âge. Ses hanches étaient entièrement prothésées, mais la voussure de son dos indiquait qu'elle ne suivait pas de programme hormonal post-ménopause. Pourtant elle était soigneuse, et je n'ai jamais vu une mèche dépasser de son chignon blanc. Simplement, elle portait ses 80 ans moins bien que d'autres leurs 110 parce qu'elle refusait de refuser les ravages du temps. Quand je lui suggérait de relancer sa pigmentation capillaire ou de porter des patchs pour réépaissir la peau, elle souriait doucement et disait de sa voix râpée par l'accent de Shantung:
"mon petit, on a l'âge de ses souvenirs."

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